Prix International de la Ville de Genève 2001

Monsieur Jean (5): Comme s'il en pleuvait, Genève,
éditions Les Humanoïdes associés, 2001
dessin et scénario de Dupuy & Berberian

Monsieur Jean (5),
croquis préparatoire,
crayon sur papier
Monsieur Jean (5), p. 50,
crayonné, crayon sur papier
Monsieur Jean (5), p. 50,
planche définitive,
encre de Chine sur papier
Monsieur Jean (5), p. 50,
planche définitive en couleur, mise en couleur par informatique

Philippe Dupuy et Charles Berbérian, fringants quadras, jouent le mélange artistique. Véritables siamois de la bulle, ils cosignent textes et dessins et aiment par dessus tout brouiller la piste de ceux qui souhaiteraient retrouver, dans leur travail, la part de l'un ou de l'autre. On renverra les assoiffés du qui fait quoi au "Journal d'un album" que ces faiseurs de bandes dessinées ont pondu pour L'Association. Facétieux dans la vie, ils cultivent l'humour décalé avec Henriette et Monsieur Jean. La petite, au physique ingrat, entretient une liaison dangereuse avec son journal, quant au monsieur, contrairement à la môme, on ne le voit jamais écrire, même s'il est écrivain.

Dans "Comme s'il en pleuvait", il est beaucoup question d'enfants et un peu du dernier roman de Jean. Dupuy et Berbérian, à fond dans la mouvance des années 90, cherchent l'inspiration dans les actes héroïques de la vie de tous les jours. Leur personnage n'a pas à sauver le monde et, s'il cherche un trésor, c'est celui du bonheur d'un père à Paris avec sa fille, alors que la mère est restée à New York. Le ronron quotidien déraille pourtant car Félix, le copain parasite qui squatte le logis parisien avec Eugène, le fils de son ex scotché à sa " gameboa ", est du genre plutôt bohème visité par le fantôme de Fernand Raynaud. Cela occasionne des aventures hors du commun, surtout que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la fameuse DDASS, mène l'enquête. Les pères seraient-ils indignes?

Jean est un traînard nombriliste qui peine à quitter les rivages rêveurs d'une adolescence prolongée. II " décauchemarde " difficilement des contractions de sa compagne et toujours la question du prénom à donner au bébé vient troubler son sommeil. Le lecteur se reconnaît dans les portraits débonnaires et attachants que Dupuy et Berbérian tracent de lui, de ses amis ou de la concierge de l'immeuble. Cette série mérite l'étiquette société assaisonnée humour et vérité. Côté dessin, le tandem créatif slalome avec talent entre la lisibilité d'une ligne claire et la liberté spontanéiste de ce que les Ibériques nomment la " linea chunga ", autrement dit farceuse.

Michel Rime

Bibliographie de Philippe Dupuy et Charles Berberian