Prix International de la Ville de Genève 2001

Amours fragiles, le dernier printemps, Tournai, éditions Casterman, 2001
dessin de Jean-Michel Beuriot et scénario de Richelle

Amours fragiles, illustration préparatoire, encre de Chine sur papier	Amours fragiles, illustration préparatoire, encre de Chine sur papier	Amours fragiles, p. 65, planche définitive, encre de Chine sur papier	Amours fragiles, p. 65, planche couleur, encre et aquarelle sur papier

La Côte d'Azur, juin 1942. En trois clins d'oeil, le scénario est posé: une liaison amoureuse souterraine, un gamin qui porte l'étoile de David comme une marque d'infamie, une France qui vivote au temps de l'occupation allemande. Martin Mahner est officier de l'armée allemande.

Berlin 1932. Jeune étudiant féru de lettres et de théâtre, Martin est un élève modèle, dans une Allemagne qui peine à se relever de ses déboires économiques, empêtrée dans " une atmosphère de crise et de violence ". II est un rêveur aux aspirations sociales, aime Stefan Zweig, dans un climat où la population commence à adhérer aux appels du pied du jeune Hitler et de son parti du national-socialisme.

Richelle dresse une situation intéressante: un peuple qui se laisse bercer par un discours sécuritaire, un étudiant qui refuse de suivre les doctrines nazies. II stigmatise les petites gens qui ont de belles idées, dont le père de Martin (" Tous les juifs ne sont pas à mettre dans le même sac. [...] Je suis convaincu qu'Hitler saura choisir entre ceux qui veulent le Bien de l'Allemagne et les indésirables "), mais se heurtent à la férocité du pouvoir avec une milice qui agit comme des chiens de garde. II y a les copains qui se retournent comme des vestes dès que le youpin pointe le bout de son nez (crochu). II monte admirablement en scène l'ancien cancre viré du collège, qui aura sa revanche dès qu'il aura revêtu sa chemise brune.

Sur l'Histoire, vont se superposer les problèmes amoureux de Martin, qui a un béguin pour Katarina, fille de médecins (c'est bien vu) juif (c'est mal vu). II somatise à son approche, incapable de lui parler.

Dans des tons jaunis, jouant pas mal sur le regard à une époque où le climat était à l'espionnite aiguë, le dessin de Beuriot a la légèreté du trait de Juillard, mélange de réserve et de classitude allemande.

Une mise en place d'échecs comme un tremplin à l'inéluctable montée du national-socialisme, une découverte qui devrait se terminer par la relecture du Maus de Spiegelman.

Maxime Pegatoquet

Bibliographie de Jean-Michel Beuriot